Maître de l’ouvrage : Commune de Val-de-Travers
Lieu : Môtiers
Projet et réalisation : 2013-2014
Surface : 900 m2
Scénographie : Thematis
Photos : Reto Duriet, Thomas Jantscher
Le Val-de-Travers, et plus précisément la Grande rue à Môtiers, a enfin une institution vivante dédiée à cet alcool ex-clandestin.
Il est particulièrement significatif que l’endroit choisi soit exactement l’ancien Hôtel Judiciaire, c’est-à-dire le lieu où l’activité principale était celle de poursuivre les producteurs clandestins de la mythique boisson. De la diabolisation à la glorification, aujourd’hui on célèbre dans ces mêmes espaces transformés l’histoire, le savoir-faire et l’avenir de la liqueur qui caractérise toute une région.
La difficulté architecturale majeure a été celle de transformer une typologie d’habitation (la maison est née comme résidence privée à la fin du XVIIIe siècle) en un bâtiment public, avec l’exigence d’offrir une spatialité plus généreuse et un pouvoir de représentativité accru ; le tout avec un budget fixé à l’avance pour des travaux imaginés et définis comme « rénovation légère ».
Le parti choisi a été celui d’intervenir en « déconstruction ». Comme en sculpture nous avons ôté la matière : ouvert des passages, percé des ouvertures, démonté des murs et des planchers. Le résultat est un espace plus fluide, un plan à la lecture plus simple et une multiplication de relations internes. Le vide créé au centre sur les deux niveaux est un geste minimal qui instaure la communication entre les étages et organise la circulation : comme dans un alambic le visiteur monte d’abord, puis descend circulant autour du vide. Cet espace établit un coeur, introduit une nouvelle dimension avec sa verticalité répondant à la vocation publique du bâtiment et installe une relation entre terre et ciel. Le visiteur a ainsi une perception instantanée de la globalité de la maison et une aide certaine à l’orientation. De spectateur il devient acteur grâce au jeu de regards et perspectives autour de cette tour creuse qui n’est pas sans rappeler le théâtre élisabéthain. Dans les intentions ce vide vertical symbolise un axe autour duquel tourne le monde de l’absinthe ; la maison se doit en effet de représenter les producteurs de la région.
A l’extérieur l’intervention a été assez conservative, avec ses façades refaites à la chaux, une nouvelle enseigne en métal qui accompagne vers la cour, et les fenêtres de l’étage d’exposition filtrées par un verre affleuré coloré d’azur s’inspirant du spiritueux anisé. La lumière qui se voile de bleu est un thème que l’on retrouve à l’intérieur sous forme d’éclairage linéaire led contrastant le chromatisme général gris–violet des espaces. Une lumière qui exprime la dimension future de l’absinthe, son potentiel d’innovation à partir de son histoire.
L’unique véritable élément apporté à la bâtisse est la lucarne sur le front nord.
Cette grande fenêtre, terminant le volume en saillie de la cage d’escalier, aujourd’hui guide le visiteur vers l’entrée dans la cour. Un grand oeil comme source principale de lumière naturelle pour le puits central qui la redistribue aux divers étages, et surtout une ouverture qui représente, pour les personnes immergées dans la visite, une vision surprise sur le paysage, une prise de contact avec le territoire qui lui, en effet, est le véritable sujet derrière la magique opalescence d’un verre d’absinthe.