Maître de l’ouvrage : Ville de Neuchâtel
Lieu : Neuchâtel
Projet et réalisation : 2014-2017
Volume : 8’400 m3
Photos : Reto Duriet
La restauration de la Villa de Pury a représenté une nouvelle occasion pour l’Atelier Manini Pietrini de poursuivre sa recherche dans le champ muséographique (après les Galeries de l’Histoire, la Maison de l’Absinthe et le Centre d’Accueil Camille Bloch), de plus elle a été une importante opportunité de se confronter avec l’œuvre d’un des plus significatifs architectes du passé de Neuchâtel : Léo Châtelain.
Construction des années septante du XIX siècle, la villa de Pury a vécu dans sa fonction d’origine pendant une trentaine d’années ; par donation à la Ville, son destin change soudain en devenant en 1904 musée d’Ethnographie. Un rôle institutionnel plus que centenaire dont le premier passage nécessita d’importantes transformations coordonnées par le même Châtelain et dont le second fut organisé dans les années cinquante et soixante sous la direction de Jean Gabus.
Aujourd’hui nous terminons la première étape de travaux qui consiste dans la restauration de la villa. En même temps nous avons démarré la deuxième phase qui prévoit l’assainissement de la black-box, volume annexé en 1954 et dédié aux expositions temporaires.
La maison de James de Pury, fruit d’une fortune issue de commerces de tabac en Brésil (qui aujourd’hui nous définirions comme non équitables), est un monument historique, classé au patrimoine, caractérisé par un classicisme éclectique, riche d’inspirations, d’éléments de composition, de matières et de couleurs. Notre première mission a été la conservation du patrimoine : une attentive restauration des pierres en façades et des fenêtres (auxquelles a été intégré un verre isolant) et la reconstruction de la couverture en ardoise comme à l’origine. Il s’agit également d’une mise en conformité par rapport à la sécurité (élargissement de l’escalier de service, voie de fuite), à la consommation d’énergie (isolation nécessaire de la toiture), à la conservation correcte du matériel ethnographique (nouveau concept de ventilation indispensable pour le contrôle de la température et de l’humidité)
D’un point de vue architectural, nous avons réorganisé les fonctions des espaces. A partir d’une situation où les étages de la villa partageaient administration et exposition et les combles abritaient la réserve d’objets, nous avons laissé les deux étages nobles entièrement au public (visite et réception/accueil) et concentré l’administration dans les combles. Ce niveau, jadis univers des bonnes (jusqu’à 16), ensuite dépôt cloisonné et insalubre, est aujourd’hui devenu surface de bureaux dégagée, qui profite de la lumière naturelle distribuée par le vitrage créé autour de l’espace central. Une fois espace technique entre deux verrières, ce lieu est récupéré comme patio pour le confort de l’équipe du musée, stratagème grâce auquel nous pouvons intégrer des locaux de travail accueillants sans devoir modifier les petites ouvertures d’origine sur le toit.
Nous connaissions déjà la richesse de l’apparat décoratif de la maison, mais quelle surprise quand, une fois démontée la muséographie du « musée statique » de Gabus, nous avons retrouvé les traces du décor mural original ; un décor riche d’enduits et de peintures en faux-marbre, de menuiseries raffinées et de papiers peints variés. Le défi pour la nouvelle muséographie est donc devenu celui d’inventer un dispositif qui puisse tenir compte de cette richesse en évitant l’indifférence, voir la négation vis-à-vis de l’Histoire, du précèdent système; mais qui puisse en même temps offrir les avantages d’un contenant neutre, d’une « black-box » qui n’offre pas de distractions au discours ethnographique.
La solution a été trouvée dans la légèreté, plus précisément dans le végétal : un rideau noir passe devant toutes sortes de parois en les unifiant, il protège l’ancien et le garde disponible pour les restaurations futures ou pour une mise en vue locale (simplement on écarte le rideau et on oriente un projecteur). Les espaces d’exposition auront une enveloppe textile, un vêtement coupé sur mesure sur le corps du géant mural, avec les transparences dictées par le rythme des fenêtres retrouvées après démolitions. Semblable à un levé de rideau qui provoque l’attente, ce voile promet « révélations ». En deuxième lecture le visiteur percevra les espaces de la villa, ses proportions, ses passages et relations (le puits de lumière central est rétabli avec sa fascinante dimension verticale). Pour cette première exposition, l’équipe du Men joue avec le concept et porte jusqu’à l’extrême les possibilités de dialogue entre voile et mur, laissant des salles dénudées et « dévoilant » au public l’écrit historique, l’évolution et les blessures de la construction.
La nouvelle muséographie équipe les salles d’un système de résilles auxquelles peuvent être fixés des panneaux, des poteaux, des vitres et autres supports, tout en évitant de compromettre les espaces avec des vitrines figées. L’objectif est de permettre une grande flexibilité d’exposition, de fournir un outil sans contraintes pour les scénographies non conventionnelles qui ont contribué à la renommée de cette institution.