Maître de l’ouvrage : M. et Mme Pietrini
Lieu : Hauterive
Projet et réalisation : 2008-2009
Surface : 200 m2
Photos : Thomas Jantscher, Guido Pietrini
La maison apparaissait déjà sur le plan d’Hauterive de 1686, près du carrefour du Tilleul, à la Croix d’or, au départ des Longschamps. Aujourd’hui elle est la première « pierre » du noyau du centre, posée comme pour en freiner la descente, ou comme écran érigé pour préserver l’intimité des jardins et des cours internes.
La maison a vécu maintes transformations, en devenant la boulangerie, l’épicerie, la cave à vins, la galerie d’artistes et enfin la maison d’édition. Les travaux d’aujourd’hui ne changent pas le caractère cossu et villageois qu’elle a reçu dans les années trente, ils se limitent à réaménager un plus grand appartement dans le volume du toit; tout en gardant sa disposition avec l’activité commerciale au rez-de-chaussée et les deux autres appartements au premier étage.
A l’extérieur sont percées quelques nouvelles ouvertures et à l’est apparait une nouvelle lucarne, en symétrie avec celle existante (et comme suggéré par un projet de 1934). L’espace des combles a été pratiquement vidé, restent les murs porteurs du couloir tandis que les trois pièces qui étaient au sud ont été réunies en un seul espace séjour. Dans les sur-combles les fermes de la charpente ont été modifiées pour permettre la création d’une chambre, d’une salle de bain et d’une salle de musique qui se jette comme un pont sur le séjour et libérant ainsi le profil intérieur du toit. Si en bas la direction prépondérante des espaces est Est-ouest, en haut c’est l’axe nord-sud, reliant le paysage de jardins et de la colline avec celui du lac, qui est favorisé.
Une pièce récupérée plus bas, au premier étage, a permis d’aménager une nouvelle et généreuse entrée, d’où un escalier en pierre rejoint le couloir de distribution. L’espace de la cuisine se dilate sur cet escalier en guise de balcon et en commençant le jeu de diagonales visuelles qui envahissent tout l’appartement. La perspective comme système de mise en relation des espaces est un thème central de la composition. Les échappées visuelles trouvent un parallèle avec la fluidité sonore de l’espace : le son circule librement et réapparait inattendu, il suffit de parler doucement.
Une attention particulaire a été portée aux rapports entre les dimensions : fenêtres et passages ont été dessinés sur la base du carré et du nombre d’or, le mobilier fixe et ses partitions ont été conçus comme des jeux de proportions.
La disparité géométrique entre le construit intérieur rigoureusement orthogonal et le périmètre (façades et toit) aux angles non droits, caractérise les espaces et met en scène un ultérieur dialogue entre nouveau et ancien, entre contenu et enveloppe.
La matière prépondérante est la surface lissée au plâtre blanc des parois et des plafonds, qui pour être encore plus abstraite cache tous les éléments structurels. L’entrée et le couloir sont gris-ombre légèrement violacé. Tout le mobilier fixe est laqué gris perle avec les caisses internes et les joints d’ombre d’un ton plus froid et foncé. La paroi orange à double hauteur sur l’escalier modifie et invertit par ses reflets les équilibres délicats des couleurs voisines. Des vitraux internes en verre bronze répandent la tonalité du parquet en noyer huilé. Dans le séjour une longue bande en acier noirci à l’huile de lin intègre la cheminée, la télévision et du rangement.
Le choix du maitre d’ouvrage de récupérer, transformer plutôt que de continuer à consommer le territoire en édifiant des villettes incapables de bâtir la vraie ville, est aussi un acte moral, qui a son sens en valorisant l’existant, en prenant soin d’un patrimoine qui est encore riche de potentialités. Le projet veut servir cette voie par son attention aux détails, la recherche de confrontation avec les espaces donnés et l’exploration des possibilités dans la réinterprétation de l’esprit des vieilles pierres.